jeudi 11 avril 2013

Geek la revanche, la critique du livre de Nicolas Beaujouan


Ça avait mal, commencé. Dès que j'ai su que qu'un livre sortait sur la culture Geek -il fallait le faire, vu comme l'ensemble de la société surfe sur le phénomène actuellement- je l'ai précommandé sur un site de vente en ligne ( je suis à la campagne), mais la seule fiche dispo alors était mauvaise. Il y a 2 jours, on me dit qu'il serait livré fin juin, je vérifie, me rend compte qu'il existe 2 fiches, dont une obsolète. J'annule ma commande et la refait. C'est donc aujourd'hui seulement que j'ai reçu le livre dans ma boite aux lettres. Je me lance dans la critique, sous l’œil de l'auteur 48e et dernier fan en date de la page Facebook du blog.

J'ouvre l'étui, je flaire le livre neuf, je le feuillette. Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais, pas un texte austère et sérieux. Plutôt des entrées avec des éléments graphiques assez plaisants.

L'ouvrage commence par un avant-propos, que j'aurais aimé écrire, une définition large et c'est tant mieux, car un sectarisme aurait été malvenu, et aurait mis pas mal de monde à dos. Cette intro se conclue par une réflexion sur la culture geek, avec de nombreuses références bienvenues et avec lesquelles je suis entièrement en accord. C'est pas long, ne se présente pas comme une thèse de socio mais ça touche là où il faut. Ça percute sur bien des aspects. Pour résumer, des initiés se laissant piller leur culture par la masse mais qui perpétuent une reconnaissance de l'entre-soi. Une culture qui se construit par strates et qui a l'avantage par rapport aux autres cultures pop, de ne pas faire table rase du passé. Une culture tellement vendue qu'elle ne peut être rébellion, mais qui est déconstruction et donc compréhension critique du monde.  

Vient ensuite la partie qui a servi au test stupide du Figaro, la semaine dernière. La présentation des différentes générations de geek à travers les principales pierres angulaires de la culture geek. Autant j'ai aimé la première partie pour sa liberté et sa nuance, autant je trouve cette partie très clichée et assez naze, me situant pour ma part entre 2 de ces catégories: trop jeune pour le geek 1.0, j'ai pas les capacités en programmation), mais trop vieux pour le 2.0, j'ai eu ma période japanim mais pas longtemps et surtout, ne me confondez pas avec la génération Pokémon! Le problème de toute catégorie, mais là, on voit que cela ne s'adresse qu'à moitié au public geek, c'est limite si on veut pas expliquer en caricaturant le truc aux personnes extérieures. J'y vois pas de mal, mais le ton employé et la rapidité n'en font pas à mon avis la partie la plus heureuse du livre.

On passe aux avatars du geek, le nolife, le fanboy...traitées comme des entrées de dictionnaire, là aussi expédiées en une page ( mais y-t-il plus à dire?). 

Les pratiques constituent la suite de l'ouvrage, la lecture pour commencer. Je suis en désaccord avec quelques éléments. Si les premiers geeks se sont révélés de bons élèves, ce n'est plus forcément le cas aujourd'hui, je dirais même que le loisir geek reste l'apanage de la classe moyenne. Il faut de l'argent un capital culturel, ce qui exclue les classes pop, mais aussi les couches aisées, pour qui ce n'est pas rentable et sérieux. Le geek reste souvent un élève médiocre, trop étrange pour être accepté des autres ( ça on est d'accord), mais aussi des professeurs qui voient ses passe-temps comme infantiles et contre-productifs. Après c'est vrai que cela à joué à plein pour bon nombre de trentenaires ou de quadra...  La pratique de la lecture est déclinée sous l'angle patrimonial, on a donc droit au catalogue de références avec les principales développées et analysées succinctement ( Tolkien et Lovecraft). Le livre enchaîne avec  la bande dessinée sous toutes ses formes, y prédominent les comics, dont l'histoire est retracée. La pont fait par Akira vers la culture nippone ouvre la voie à l'univers otaku, mais là aussi, il faudrait se méfier du terme dont s'affublent un peu trop d'occidentaux méconnaissant.

Le cinéma et l'audio-visuel sont évidement d'autres pratiques phares des geeks. Les principales références y sont classées par genre et par période, le geek n'y apprendra pas grand chose mais ne pourra qu'acquiescer à l'évocation de l'âge d'or des comédies de Noël dans les années 80 ( des Gremlins à Ghostbusters). Des lignes intéressantes sur les films, qui, comme Clerks (de Kevin Smith), dissertent sur et dissèquent la culture geek. On fini avec la geekness prenant possession du milieu, distillant pour le meilleur et pour le pire ses univers à travers des films plus ou moins réussis. On enchaîne sur les séries cultes de toutes les époques avec une analyse de l'évolution du genre bien connue, on croisera les plus régressives (mais tout de même jouissives), Parker Lewis, et les plus arty, Twin Peaks.

Le jeu constitue l'avant dernière partie de l'ouvrage. Historique rapide du jeu vidéo et du JDR, rappel des principaux jeux de l'époque, devenus classiques depuis, -tiens je viens de me rendre compte qu'une des carac' du JDR c'est de proposer en tête de Gondole les mêmes hits qu'il y a 30 ans ( D&D, AdC, Shadowrun...-. Quelques arrêts sur mes jeux cultes, j'apprécie: Sim city, Street Fighter 2. Le retrogaming est lui aussi évoqué, elle me paraît effectivement essentielle. Cette partie ludique aurait pu être développée,mais finalement ce n'est pas plus mal qu'elle laisse la place d'honneur aux arts que sont la littérature et le cinéma, cela permettra d'insister sur le fait que le seul fait de jouer ne fait pas de vous un geek.
La dernière partie très succincte s'intéresse à la musique, la bouffe et le sport. Je suis assez surpris.  ah oui c'est parce que je me rappelle que je ne suis pas qu'un geek. Je me vois ainsi exclure parce que j'écoute pas de métal et de BO de films. Ouf je suis sauvé! Franchement, je ne suis pas sûr que cette partie soit utile, à la limite inclure l'écoute de BO dans le ciné, mais là, les développements sur les descendants ou les Beastie ne servent à rien, je suis le quasi le seul geek dans la 50e que j'ai du fréquenter dans ma vie, à jamais les avoir écouté. Les autres préfèrent les Enfoirés ( private joke inside), le gros métal qui tâche, voire la pop japonaise (another private joke). Les lignes sur la cuisines et le sport achèvent de me convaincre qu'elles sont inutiles et qu'elles ne sont que remplissages.

Pour dire un truc désagréable: Pourquoi surligner les éléments importants en blancs ( on est grand bordel!). Pour le mieux : de nombreux tableaux et organigrammes parsèment l'ouvrage avec une certaine intelligence  sur les Zombies, les robots, la taille comparée des vaisseaux cultes...On notera surtout l'excellentissime artwork sur les coupes des personnages les plus célèbres.

Pas le bouquin ultime, oui, mon académisme me fait souhaiter un ouvrage plus ardu et plus problématisé sur le sujet mais un bon livre bien joli, avec la base des références. A offrir à votre fils/neveu, un peu décevant, à part l'intro, pour les grands personnes que nous sommes. Mais, un geek est un collectionneur, donc il se doit de l'avoir, c'est pas tous les jours qu'un ouvrage consacré à cette culture sort ( enfin pour le moment). Comme le dit le mot de la fin, "le geek commence l'écriture de son Histoire".

 Ca y est ma pause méridienne est finie, j'ai lu le livre et tapé l'article derrière mon écran me nourrissant d'un 'dwich, d'un kinder et d'un coca ( comme quoi la bouffe c'est finalement constitutif de la culture). On ne se refait pas!

EDIT: On retrouvera une interview de l'auteur pour la Geekitude des Choses, ici.

8 commentaires:

  1. j'suis pas trop d'accord pour les beastie et les Descendents la plupart des "geeks" que je connais les ont écouté; et pour la seconde private joke tu as oublié l'electro qui crache, la funk qui groove, le rap dirty south et le gentle gothique ;)

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  2. La prochaine partie on se la fera sur du Dirty south alors, ca va dégouter l'enfoiré

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  3. "Pas le bouquin ultime, oui, mon académisme me fait souhaiter un ouvrage plus ardu et plus problématisé sur le sujet mais un bon livre bien joli, avec la base des références."

    Pourquoi ne pas l'écrire? La matière est déjà là, manifestement.

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  4. j'y pense souvent, mais clairement sans réseau derrière c'est un coup d'épée dans l'eau.

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  5. Je ne vois pas bien le rapport entre avoir du réseau et écrire un livre, mais soit.

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  6. Pour répondre vite

    Soit vous avez du talent et du culot et vous pouvez essayer, si vous êtes génial, on vous contactera, mais ce n'est pas mon cas.

    Soit vous avez un réseau, qui grâce au copinage, vous permet de placer votre prose, j'estime posséder un réseau mais seulement en local, ce qui n'est pas l'idéal pour une bouquin d'histoire, même sur un sujet aussi trivial.

    Vous pouvez choisir le compte d'auteur, mais vous avez de grandes chances de vous ruiner /et ou d'avoir un stock sur les bras.

    Enfin, vous pouvez aussi le faire pour vous, mais je réserverai ce cas aux romans, qui sont pour les auteurs une nécessité, s'ils sont encore des écrivains, des vrais. Pour le reste, je préfère encore laisser mon mauvaise prose sur ce blog qui n'est peut être pas terrible mais qui oscille entre réflexions et conneries, ce qui me sied très bien.

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  7. j ' ai aussi lut cette ouvrage , mais il faut plus le prendre comme un récapitulatif et une clé pour le grand public , qu ' un " ouvrage ultime " sur nous les geeks , j ' attend de lire le lire de David Peyron sur le sujet

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    1. on est d'accord, et effectivement comme toi, j'attends aussi celui de David Peyron

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