dimanche 8 octobre 2017

Ta collection entre Culture matérielle et imaginaire romanesque


Émission intéressante cette semaine, dans La Fabrique de l'Histoire sur F.Cul. L'objet et la matière au XIXe. Ça parle de collection, d'accumulation, et comme je suis à la croisée des mondes, je me demande si les questions que se posent les historiens du XIXe sont valables pour les accumulateurs compulsifs que sont les geeks.


Un désir d'ailleurs. Ces historiens évoquent l'exotisme et le dépaysement, le voyage qu'on ne fera jamais (oui, ton monde fantasy, il existe pas). Alors c'est vrai, j'ai voyagé dans l'espace et le temps du camping des flots bleus de Raoul à la Constantinople du XIIIe dans Vampire, du New York années 30 de Cthulhu à Tatooine de Star wars D6. L'accumulation de JDR remplirait donc partiellement cette fonction d'exotisme depuis ton salon/garage/Studiodetonpote. Le wargame, en objet stendhalien et romanesque, qui te fait te prendre pour Napoléon, alors que tu n'es que Fabrice, et que tu ne comprends rien à l'aventure humaine qui est en train de se passer parallèlement à ta lubie,  enfin dans ta vie réelle.  

Le XIXe, c'est aussi le siècle de l'industrialisation et de la production d'objet, donc de la vulgarité des dits objets, on peut s'approvisionner aussi facilement en bibelots qu'en clix venant de l'autre bout du monde aujourd'hui. La création de coquillage faussement gravés par des pêcheurs normands peut-elle être comparée avec la fabrication de clix faussement peints par des chinois ?   Ca ouvre des pistes de réflexions tu trouves pas ?

Plus certainement c'est aussi un jeu de distinction. De bourgeois qui veulent doter leur appartement de vieilleries. Les joueurs que je connais, n'ont ni la place ni la possibilité financière de l'accumulation. Même si déjà au XIXe les autres classes sociales s'y mettent et qu'il existe de modestes collections, c'est un façon d'étaler sa puissance, c'est une extension de cette volonté de posséder. 

Quand ton navire Lego prend cette place, sur la cheminée, bourgeoise, comme toi et ton appart,  c'est que t'es conscient du détournement et que tu cherches même à signifier un truc à tes visiteurs

S'approprier des objets,  comme Nana de Zola ou le Cousin Pons, on remplit pour combler un vide, un échec, car comme Pons on ne sera ni Rossini, ni Gygax. Des Esseintes, le personnage du non moins célèbre "A Rebours", cherche à échapper au monde par la création d'un univers unique et singulier face à la société de conso mais au final il se retrouve étouffé par les objets. Comme lui,  je finirai dévoré par ma collec, alors que j'en ai fait un rempart contre le monde.

Oui, du coup j'ai commencé le cousin Pons, car ce n'est pas l'Histoire d'un homme mais d'une collection d'après Balzac lui-même.

 Cette culture matérielle, c'est aussi une nostalgie, une façon de garder une trace de ce qui disparaît. A ce titre, il est clair que je conserve de nombreux jeux, alors que je n'y rejouerai presque plus comme des artefacts, il en va ainsi de  version carte de Vampire, V: TES,  me permettant à chaque fois que je m'y plonge de retrouver des odeurs et des images d'une époque définitivement révolue. Mais pour ne pas être que tourné vers le passé, on investit dans le neuf, histoire de montrer qu'on est pas encore un vieux croûton ou dépassé, qu'on est encore dans le coup.

La question de l'emballage , qui colle un discours à des objets industriels, est particulièrement intéressante, tout ces boosters qui vendent du rêve encore plus que l'objet à tel point que je garde les emballage, j'ai un booster de tous les jeux à collectionner que j'ai pu acheté, des cartons vides de figs, des boites en carton de Lego. On s'est fait avoir, ce n'était fait que pour fabriquer une image , donner une imaginaire, une forme, mais c'est clairement une partie du trip. Sans compter qu'à ma mort et donc à la revente, si je veux pas que mes filles soit dépouillées, elles vont en avoir besoin des emballages pour en tirer un max, tu sais quand tu les supplieras de baisser les prix sur ce truc trop rare et complétement inutile que tu veux tellement.


A cause de cette accumulation d'objets, de l'envahissement des livres, des comics, des boites, on protège les appartements. Défendre pas seulement les biens, mais l'attachement affectif.  Heureusement, cela reste assez underground pour nous et le petit multimédia est l'objet privilégié des vols, plus que ton wargame photocopié dont il ne reste que peu d'exemplaires mais dont le nombre d'acquéreurs ne serait pas beaucoup plus élevé.

Il s'agit aussi de défendre l’expérience de l'accumulation, car c'est soi qu'on met dans son décors.L'ensemble fourni un décor bourgeois, révélateur de la psychologie des perso. Sur je suis un malade, comme tous les autres collectionneurs d'autres temps et d'autres sujets. Mais plus, d'après un documentaire que j'ai vu le soir même le jour où j'écoutais cette émission, un sociologue du cinéma disait que le passe-temps c'était renoncer à l'aventure et attendre sa propre mort. J'y verrai presque un discours de classe, avec une injonction capitalistique à entreprendre. Le passe-temps, pour moi un forme de sagesse qui m'offre une sérénité. Même si j'étouffe, n'oublie pas que toi aussi tu crèveras.

En attendant tu peux lire ça, et avoir un résumé ici




  

5 commentaires:

  1. Intéressant cet article, c'est vrai que ça fait un moment que je m'interroge sur ma santé mentale ou SAN pour les cultistes quand je vois ce que j'accumule comme livres jdr wargames plateaux juste pour le plaisir de collectionner... là j'ai racheté des vieux livres jdr AD&D2 (j'avais tout revendu y'a 20 ans et là je rachète ! je suis content de les acheter et quand je les reçois je me dis: "mais pourquoi j'ai acheté ça ?!" merde c'est la crise de la quarantaine ? je sens la mort approcher et mon passe-temps prends du galon ?
    j'aime bien cet article un peu philosophique sur nos trucs de geek, ça donne du sens et ça permet de comprendre un peu, je vais écouter l'emission tiens.. "F.Cul", très drôle ! j'adore ce ton, ça m'éclate ! continue Maudit Geek ! ou je t'enverrai mes succubes te fouetter ! julien

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    1. Pour se rassurer il faut jouer, jouer et encore l'utiliser, cette collection. C'est sur que l'accumulation est plus rapide que les parties. Mais un exemple , j'ai sorti cette semaine Urban Sprawl -GMT- que j'avais depuis 6 ans, sans y avoir joué. Et bien c'est excellent, et je suis content de l'avoir stocké tout ce temps, je ne sais quelles pépites je possède encore, je ne sais combien de fou-rires se cachent dans ma bibliothèque de JDR. Il ne faut pas désespérer.

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    2. envoie tes succubes, je trouverai bien un moyen de les occuper

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    3. Comme toi je cumule, souvent pour éviter de ne pas avoir à payer plus cher un jeu qui ne sera plus en vente dans quelques temps, c'est une des raisons.
      Une autre raison ; je suis curieux des nouveaux systèmes de jeux, je n'ai pas toujours le temps de m'y mettre alors j'achète et je me dis que je jouerais plus tard.
      j'ai du mal à me défaire de jeux auxquels je n'ait pas joués, mais le manque de place m'oblige parfois à le faire.
      je ne cumule pas les jeux pour cumuler , mais parce que j'ai un intérêt réel pour mon achat, je ne pense donc pas que ce soit maladif.
      le plus "dangereux" pour moi, c'est d'avoir beaucoup de centre d'intérêts et de ne pas savoir auquel il faut consacrer son temps !
      comme tu l'indiques Bruno, il faut avancer en jouant, utiliser ses acquisitions.
      Domi

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    4. Je revends peu ce que j'ai revendu, je le regrette. J'essaye cependant de moins acheter, j'ai de quoi jouer 1000 vies, et là il faut d'abord que je vive la mienne, mais je ne regrette pas tout ce temps à chiner sur le net ou IRL, je garde un plaisir à ouvrir les boites, regarder l'artwork ou le matos. C'est fétichiste, mais j'ai pas envie de me soigner :)

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